Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles et Technologiques

Retour sur le Séminaire du Conseil Scientifique de l’AFPCNT

Séminaire du Conseil Scientifique de l’AFPCNT du 27 mai 2024

1. L’expertise au service de la concertation 

Organisé dans le cadre du Cycle de séminaires « Sciences et Décisions » du Conseil Scientifique de l’AFPCNT

par Myriam Merad, présidente du Conseil Scientifique de l’AFPCNT, chargée de recherche CNRS au LAMSADE.

Le séminaire a permis de bénéficier des interventions suivantes :

  • Implication de la société civile dans l’expertise et la recherche de l’IRSN : une étape du processus de décision publique par Eric Bastin – Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire
  • Expertise et concertation : un apport réciproque par Paola Orozco Souël – Courant Porteur
  • Comment l’expertise peut éclairer le débat et la décision publique en matière de prévention des inondations ? L’exemple des diagnostics de la vulnérabilité territoriale aux inondations et le dispositif EPISEINE de sensibilisation et de formation des acteurs par Frédéric Gache – EPTB Seine Grands Lacs –
  • Composer avec les risques majeurs dans l’aménagement du territoire. Connaitre pour mieux maitriser par Ludovic Faytre – Institut Paris Région

Avec la participation de Jean-Marc Dewitte en tant que grand témoin.

2. Synthèse des échanges de la journée

Le cycle de séminaires « Sciences et Décisions » du Conseil Scientifique (CS) de l’AFPCNT s’inscrit dans une réflexion menée sur une période de trois à quatre ans au sein du CS, portant sur les liens entre sciences et décisions en matière de risque et d’incertitude.

Pour rappel, un premier séminaire, axé sur les thèmes du risque et de la régulation, a eu lieu en mai 2023.

Le séminaire du 27 mai 2024 a permis de traiter du lien entre science et décision, en se concentrant sur l’expertise et la concertation. Pourquoi ce sujet est-il important ? Que ce soit pour des petits ou grands projets, locaux ou nationaux, chaque projet soulève des questions liées aux risques. Il peut s’agir de vulnérabilités connues ou récemment détectées, de phénomènes naturels ou technologiques pour lesquels nous disposons de connaissances variées, des failles ou forces dans les mécanismes de gestion préventive des risques ou des politiques de gestion territoriale ou de projets…

Toutes ces questions émergent lorsque les interactions entre les porteurs de projet, les citoyens et les autres acteurs se manifestent. La concertation est ici considérée au sens large, c’est-à-dire comme un dialogue citoyen, et pas uniquement comme une procédure réglementaire préalable à un projet, définie par le code de l’environnement. Les différentes formes de dialogue citoyen — information, association, concertation, etc. — sont des moments privilégiés où les experts peuvent partager leurs connaissances et bénéficier des observations de la société civile sur des sujets nécessitant une vigilance particulière.

Dans le cadre du séminaire du 27 mai 2024, trois organismes ont expliqué et illustré le processus de concertation à destination d’un public non expert. Paola Orozco Souël a également traité ce processus de concertation par un autre point de vue, celui d’accompagnement dans les démarches d’information et de participation du public.

On note une volonté croissante des citoyens d’être intégrés à la mise en place de différents projets. Cette situation est particulièrement notée dans le monde du nucléaire ou de la compréhension des risques naturels. Par exemple, 66% français estiment obligatoire qu’un organisme d’expertise s’engage à répondre à toutes les questions posées par les associations et les citoyens (IRSN, 2023). Cette attente croissante des citoyens s’inscrit par ailleurs dans une législation et règlementation qui va vers plus de transparence et participation de la société civile (Convention d’Aahrus 1998, Charte de l’environnement 2005, Loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire 2006).

Le séminaire a permis de comprendre les différents moyens d’associer « expertise et concertation ». Les détails de projets, les avis etc… sont rendus publics. Des unités dédiées à la concertation et à la communication sont ouvertes. Les organismes s’engagent également à accompagner les acteurs de la société dans l’acquisition des compétences nécessaires à leur implication et à construire avec eux l’évaluation des risques. Ainsi, le dialogue avec la société est renforcé et une réelle mise en œuvre à l’ouverture à la société est opérée.

Mais comment l’expertise peut-elle apporter des connaissances à un public profane et novice ? L’expertise fournit des informations précises et des analyses approfondies. Cela est crucial lorsque le besoin d’information se fait sentir, car elle permet d’obtenir des informations claires, précises et objectives. En apaisant le débat, l’expertise permet à tous les participants d’entrer dans la discussion avec un niveau de connaissance plus équilibré, réduisant ainsi l’asymétrie entre les novices et les experts sur un sujet donné. Ainsi, lorsque divers points de vue émergent sur un même sujet, l’expertise permet de préciser l’information et d’approfondir l’analyse pour combler ce besoin d’information. L’expertise garantit également des prises de décisions éclairées. Que ce soit pour les acteurs politiques ou administratifs, elle apporte des éléments justifiants et défendant les décisions prises. Pour les maîtres d’ouvrage, l’expertise éclaire la décision de poursuivre ou non un projet, ou de l’améliorer si nécessaire. En outre, l’expertise apporte des recommandations basées sur des données objectives pour les décisions à venir, que ce soit pour les maîtres d’ouvrage ou les décideurs. Elle permet aussi d’anticiper les conséquences sur des impacts identifiés, offrant ainsi des perspectives précieuses. Enfin, l’expertise est utilisée pour trouver des solutions adaptées et concrètes aux problématiques rencontrées par les publics et les territoires sur lesquels elle intervient.

Peut-on débattre de tous les sujets ? Le principe est qu’aucun sujet, quelle que soit sa technicité et sa complexité, ne devrait être inaccessible au public. Cela est possible grâce à la vulgarisation faite par les experts et aux nombreuses méthodes et praticiens de la médiation scientifique qui créent des passerelles de compréhension. Les journalistes scientifiques jouent également un rôle crucial en rendant les sujets compréhensibles pour ceux qui n’ont pas de connaissances préalables, grâce à leur travail de vulgarisation. De plus, si les sujets sont abordés uniquement sous l’angle de l’expertise, ils deviennent inaccessibles au grand public. L’objectif d’une démarche de dialogue avec le public est de prendre en compte une approche plus pratique ou des enjeux globaux et sociétaux, ouvrant ainsi une porte d’entrée vers une compréhension plus précise des thématiques abordées.

3. Pour revoir les intervenants et leurs interventions !

Eric BASTIN

Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire / Implication de la société civile dans l’expertise et la recherche de l’IRSN : une étape du processus de décision publique  


Paola OROZCO SOUEL, Courant Porteur / Expertise et concertation : un apport réciproque

Paola Orozco Souël est la fondatrice-directrice de la société Courant Porteur, un cabinet de concertation spécialisé depuis 15 ans dans le dialogue environnemental et la participation citoyenne dans les projets de production d’énergies renouvelables.
Diplômée en sciences politiques, elle a également une formation en ingénierie de la concertation et est garante de concertation pour la Commission nationale du débat public (CNDP) depuis 10 ans.
Elle a contribué à la conception, l’organisation et l’animation de débats publics décidés par la CNDP sur des sujets divers (Politique Agricole Commune, Programmation Pluriannuelle de l’Energie, construction de lignes ferroviaires) en tant que présidente et aussi comme membre de Cpdp (Commission particulière de débat public).

 

Frédéric GACHE, EPTB Seine Grands Lacs  / Comment l’expertise peut éclairer le débat et la décision publique en matière de prévention des inondations ? L’exemple des diagnostics de la vulnérabilité territoriale aux inondations et le dispositif EPISEINE de sensibilisation et de formation des acteurs 
Frédéric GACHE est spécialisé depuis plus de 20 ans en gestion des risques d’inondation dans les
collectivités territoriales.
Il a suivi un cursus universitaire à l’Université Jean Moulin – Lyon III en histoire, géographie,
aménagement du territoire et enfin un DESS de gestion des risques dans les collectivités territoriales. Il poursuit depuis 2004 une carrière d’ingénieur territorial dans différentes collectivités du bassin de la Seine et à Seine Grands Lacs depuis 2007 (www.seinegrandslacs.fr).
A partir de 2007, avec d’autres collègues, il participe à l’émergence de la prise en compte du risque d’inondation dans les projets de renouvellement urbain franciliens et plus largement au développement d’actions de prévention des inondations sur le bassin de la Seine, notamment l’amélioration de la connaissance des risques, la sensibilisation avec le dispositif Episeine (www.episeine.fr), l’appui à la gestion de crise et la continuité d’activités des organisations, la réduction de la vulnérabilité territoriale, la préservation des zones naturelles d’expansion des crues.
Il est depuis 2020 Directeur adjoint des PAPI et de l’animation territoriale à l’Etablissement public territorial de bassin Seine Grands Lacs. A ce titre, il supervise le travail d’une dizaine d’ingénieurs et de chefs de projet en charge de 6 programmes d’actions de prévention des inondations au service des territoires exposés du bassin de la Seine.
Il est également impliqué depuis 14 ans dans la formation des étudiants et professionnels au sien de formations de niveau Master, ainsi que dans la recherche appliquée dans le domaine du grand cycle de l’eau. Il a rédigé plusieurs articles ou chapitre d’ouvrages sur la thématique des inondations. Il a enfin été Professeur associé durant 4 années à l’Université Lyon III entre 2012 et 2016 où il assurait les fonctions de co-directeur du Master 2 Gestion des risques dans les collectivités territoriales.
Ludovic FAYTRE, Institut Paris Région /Composer avec les risques majeurs dans l’aménagement du territoire. Connaitre pour mieux maitriser.
De formation universitaire (DESS aménagement-environnement), Ludovic Faytre a intégré L’Institut Paris Region en 1993 et possède 30 ans d’expérience professionnelle dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’intégration des enjeux environnementaux dans les documents d’orientation et projets d’aménagements. Il intervient sur des travaux menés aux différentes échelles de l’aménagement (planification régionale, projets locaux…) en Ile-de-France et à l’international (Maroc, Liban). Il a également participé au sein de l’équipe projet à l’élaboration du Schéma directeur de la région Ile-de-France 2030.
Ludovic Faytre développe depuis une vingtaine d’années une expertise dans la thématique des risques naturels et technologiques majeurs et de leur prise en compte dans les réflexions d’aménagement du territoire autour de travaux sur la qualification des enjeux humains et économiques, la vulnérabilité systémique et la résilience des territoires, la culture du risque, … Il est également intervenu en tant qu’expert auprès de l’OCDE (Formation nationale sur la gestion des risques au Maroc). Ludovic Faytre est par ailleurs membre depuis 2020 du Conseil d’orientation de la prévention des risques naturels (COPRNM) et de la Commission mixte inondation (CMI). Il participe également aux travaux de l’Observatoire national des risques naturels et du comité d’expert du CEPRI (Centre européen de prévention du risque d’inondation.

 

Jean-Marc DEWITTE, Grand témoin