La limite de 1,5 degré supplémentaire
Peut-on encore éviter les morts supplémentaires liés au réchauffement climatique ? En théorie, oui. Mais en pratique, cela semble bien mal engagé. En effet, selon les experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), pour éviter des effets catastrophiques sur la santé et prévenir des millions de décès causés par le changement climatique, la hausse de la température globale devrait ne pas dépasser le seuil de +1,5 °C.
Or, la trajectoire mondiale n’est pas la bonne, loin de là. Pas plus qu’au niveau local, du reste. En effet, le CNRS a calculé en juillet 2023 le niveau du réchauffement climatique actuel. Les équipes de cette institution ont ainsi montré que la température moyenne de la France actuelle est 1,7 °C supérieure à celle de la France entre 1900 et 1930. À l’échelle globale, toutes régions confondues, le GIEC évalue la situation à +1,2 °C !
Le coût des dommages directs pour la santé (sans prendre en compte les coûts dans des secteurs liés directement à la santé comme l’agriculture, l’eau et l’assainissement) se situe, selon les Nations unies, entre 2 et 4 milliards de dollars américains par an d’ici 2030.
Des impacts injustes pour les populations
Or, si ce seuil de +1,5 °C ne peut être respecté, le GIEC sonne l’alerte : selon lui, chaque dixième de degrés de réchauffement supplémentaire pourrait avoir – et aura – de graves conséquences sur la vie quotidienne et sur la santé des populations. Avec, là encore, une injustice pointée par les Nations unies : « les personnes dont la santé est la plus touchée par la crise climatique sont celles qui contribuent le moins à ses causes et qui sont le moins à même de s’en protéger ainsi que leur famille, à savoir les habitants des pays et des communautés à revenu faible ou défavorisées ».
Ce n’est pas une surprise, tant de nombreuses études ont montré que le changement climatique se nourrissait des inégalités – et inversement, que les inégalités nourrissaient le changement climatique. En effet, on estime que les 10% les plus riches sont responsables de 50% des émissions de gaz à effet de serre. Les 50% les plus pauvres ne pèsent, pour leur part, que pour 10% d’entre elles. Et 100 entreprises seulement ont émis 70% des émissions depuis 1988 !
Ainsi, le changement climatique accroît les inégalités en matière de santé, et d’accès au soin, entre les femmes et les hommes, entre les plus précaires et les plus fortunés, et bien sûr entre les États et les territoires (par exemple, en France, les territoires d’Outre-Mer sont bien plus concernés par les impacts sanitaires du changement climatique que la métropole… alors que la population de cette dernière pèse bien plus en termes de responsabilité dans la production des gaz à effet de serre).
Les conséquences sur la santé
De fait, le changement climatique a des conséquences très concrètes sur les habitants de nombreux pays. Ainsi, il est responsable :
– De stress thermique et hydrique ;
– D’une prévalence de maladies respiratoires, liées à la dégradation de la qualité de l’air ;
– D’une propagation de maladies infectieuses ;
– De perturbations de la production alimentaire et de l’approvisionnement en eau potable…
Sur ce dernier point, dans le détail, une explosion de la sous-nutrition est redoutée. La Banque mondiale s’attend ainsi à 100 millions de pauvres supplémentaires en raison du réchauffement climatique d’ici 2030. Dans le même temps, un rapport du Lancet, une revue scientifique britannique anticipe une baisse de 6% des rendements mondiaux de blé, accompagnée d’une réduction de 10% des rendements de riz pour chaque hausse de 1°C de la température mondiale. Les premières victimes du changement climatique restent ainsi les travailleurs ruraux. Ceux-ci, d’une part, ne bénéficient pas d’un lieu de travail abrité, et font de fait face aux vagues de chaleur au quotidien. Et puisque leur productivité baisse (-5,3% depuis 2000), ils voient leurs revenus fondre. C’est ainsi qu’en 2016, 920 000 personnes de ce secteur d’activité ont été exclues du marché du travail… dont 418 000 rien qu’en Inde !
Selon les Nations Unies, entre 2030 et 2050, on anticipe près de 250 000 décès supplémentaires par an en raison du changement climatique. Des morts expliqués par la malnutrition, le paludisme, la diarrhée et le stress lié à la chaleur.